Découverte de la ville et d’un peut-être nouvel ami

« Découverte de la ville et d’un peut-être nouvel ami »
Anthony Wendells & Gabriel Dawson

Anthony soupira légèrement en se passant la main dans les cheveux. Cela ne faisait pas très longtemps qu’il était au Texas et à vrai dire il venait tout juste d’arriver en ville. Il n’avait pas encore visité, il n’avait pas encore trouvé d’hôtel... et tout cela expliquait pourquoi il était chargé d’un gros sac à dos de randonnée : celui-ci contenait des habits de rechange, des réserves de nourritures, et divers objets plus ou moins utiles comme une boussole, un carnet, un stylo, des élastiques... Il était bien équipé. Même sa veste sans manche et aux multiples poches, mise par-dessus une chemise blanche, était optimisée : il y avait glissé un autre carnet et un crayon, une carte... Son pantalon, quant à lui, était un simple pantalon gris foncé en jean, avec deux simples petites poches qu’il avait laissées vides ; et il avait chaussé des rangers confortables et pratiques.

*Sorto, me voila !* pensa-t-il, un léger sourire aux lèvres.

Il était venu ici sous les conseils d’un ami à lui. Khyle, un jeune homme qu’il avait rencontré durant une de ses expéditions et avec qui il s’était rapidement lié, lui avait tant de fois vanté les mérites de cette ville qu’Anthony avait voulu y venir. C’était chose faite. D’après ce qu’il savait, ses origines ne seraient pas vraiment problématiques, car des démons et des hybrides vivaient ici, côtoyant des humains. Cette cohabitation serait certainement très intéressante à étudier ! Certes, les relations entre hybrides et démons ne devaient pas être des plus amicales, mais à priori, elles ne devaient pas être particulièrement conflictuelles. Sinon Khyle le lui aurait dit. Quoi qu’il en soit, le fait que ces trois peuples cohabitent dans cette ville avait un autre avantage pour Anthony : ça lui permettrait de s’intégrer plus facilement, le temps qu’il resterait en ville.

Il marcha un moment, regardant autour de lui. Ah, ce qu’il avait hâte de partir à la chasse aux informations ! Mais dans l’immédiat, l’information la plus nécessaire était la localisation de l’hôtel le plus pratique : pas forcément le plus cher ou le moins cher, mais celui situé dans un quartier parmi les plus intéressants ! Et pour le trouver, quoi de mieux que de demander à un autochtone ? Anthony regarda rapidement autour de lui et finalement se décida à aborder un individu.

- Excusez-moi, dit-il, un sourire poli aux lèvres. Vous connaitriez un hôtel sympa dans le coin ?

Pour toute réponse, il n’eut qu’un haussement de sourcil hautain et un regard méprisant. Quel accueil, vraiment. Ce n’était pas dans ses habitudes de baisser les bras si vite après avoir commencé ses recherches et cette non-réponse n’allait pas lui miner le moral ! Il soupira, se demandant qui pourrait le renseigner...

Anthony cherchait qui interroger quand quelqu’un le percuta de plein fouet. Il n’eut qu’un léger mouvement à faire pour reprendre et garder l’équilibre, sur des appuis stables, bien campé sur ses pieds. Il ne pouvait cependant pas en dire autant de celui qui lui était rentré dedans. Anthony le regarda. C’était un jeune homme d’apparence plus jeune qu’Anthony aussi bien réellement - logique ! - que physiquement. A côté de lui se trouvait un sac à main de femme, visiblement assez onéreux. Le genre d’accessoire qu’on ne s’attendait pas à voir sur un jeune homme comme celui-ci. Ses cheveux blonds en bataille, un corps tout mince et d’aspect assez fragile même pour un humain, le blondinet était allongé par terre, sur le dos, immobile comme si la petite chute l’avait assommé et qu’il ne pouvait par conséquent pas se relever.

- Hey, ça va ?!

Anthony était assez inquiet pour ce type étalé par terre. Qu’il ne se relève pas tout de suite, un peu sonné et surpris, ça pouvait se comprendre. Mais tout de même ! C’était assez inquiétant ! Et qu’un simple chute comme celle-ci le mette dans un tel état l’était également. L’hybride s’accroupit à côté de l’humain afin de voir plus précisément dans quel état il était. Pas glorieux, certes, mais à quel point ? Et surtout, que devait faire le pauvre hybride voyageur ? Il n’était pas vraiment formé pour réanimer des humains assommés après une chute des plus stupides ! Ce n’était pas son truc. Ce qu’il connaissait des humains lui venait de ses connaissances générales et de son métier d’anthropologue.

- Vous pouvez vous relever ?

Il l’aida à se redresser, s’assurant tout de même de ne pas lui faire faire des mouvements douloureux. S’il s’était blessé, des mouvements brusques auraient pu lui faire du mal, et s’il ne se sentait pas très bien, les mouvements rapides ne seraient pas bons pour son état et pourrait provoquer une nouvelle chute.

L’humain se relevait facilement. Par chance, il n’était pas blessé, du moins pas grièvement puisqu’il était conscient et valide ! Anthony n’avait pas eu besoin d’en faire beaucoup pour que le blond ouvre les yeux. Des yeux d’un bleu magnifique, soit dit en passant. Mais là n’était pas la question. Le plus important était qu’il se relève. Ce qu’il fit sans trop de difficulté.

Anthony lui sourit chaleureusement lorsqu’il se fut redressé et qu’il le remerciât. Cet humain avait l’air gentil. Lorsque le blond s’excusa de l’avoir percuté parce qu’il ne regardait où il allait, Anthony répondit par un simple signe de tête signifiant qu’il ne lui en tenait pas rigueur ; et il écouta calmement ce qu’il lui expliquait. Contrairement à ce que l’hybride aurait imaginé, l’humain justifia principalement (après un « merci » et un « désolé » d’usage, bien entendu) la présence du sac à main, dans une histoire qui était difficile à croire. Sa mère qui prend le tramway en oubliant son sac... c’était étrange comme histoire. Et puis, une mère possédant un tel sac pourrait offrir de meilleurs habits à son fils.

- Vous savez que vous n’êtes pas crédible... ? Enfin, là n’est pas le plus important ; je ne suis pas ici à propos de ce sac et de son histoire.

Après tout, Anthony ne lui avait rien demandé ! Tout ce qui lui importait dans l’immédiat était de voir le jeune homme blond en forme. L’hybride le détailla du regard, pour estimer la gravité de son état. Visiblement, la chute n’avait pas causé de dégâts, mais l’était de jeune humain n’était pas optimal. Et c’était ça qui, combiné à l’impact de la collision, avait dû provoquer la chute. Quelqu’un en grande forme ne serait sans doute pas tombé à sa place.

- Quand bien même vous auriez dérobé ce sac à une quelconque passante fortunée, je ne vous en tiendrai pas rigueur. Je ne suis pas là pour ça.

Anthony n’était pas partisan du vol tant qu’il n’était pas retourné contre un voleur. Mais ce n’était pas comme si ce coup avait été prémédité, pour dérober toute sa fortune à une cible soigneusement choisie qui en serait totalement anéantie. A première vue, ce devait être le manque de ressources qui avait poussé cet humain à agir. De plus, l’hybride n’était pas là pour faire respecter la loi. Ce n’était pas son boulot, loin de là !

L’humain semblait penaud, comme s’il était gêné de ce qu’il avait fait ; ce qui confirmait l’idée d’un acte réprimandé par la loi. Ce garçon était très certainement un petit voleur occasionnel. Et même s’il niait l’hypothèse d’Anthony, l’hybride croyait quand même davantage à sa version des faits qu’à la version abracadabrante de la mère qui prend le tramway en oubliant son sac ! M’enfin, là n’était pas la question...

Le garçon semblait vraiment affamé, si on en croyait le grondement de son ventre. Et cet élément allait dans le sens de l’idée d’Anthony. Voler pour manger, ça devait être dur ! Mais Anthony n’eut rien le temps de dire à ce sujet car le blond le questionna sur sa présence ici. Sans doute voulait-il mettre fin à toute idée de commentaire quant à son état et à ses actes. Un léger sourire amusé fleurit sur les lèvres de l’hybride. Cette question, bien qu’en rapport avec ce qu’Anthony avait dit, avait sonné un peu étrangement. Si Anthony lui avait dit qu’il n’était pas là pour le dénoncer, c’était pour le rassurer et non pour justifier sa présence en ville ou devant lui. Surtout que ce n’était pas lui qui avait provoqué cette rencontre. Mais si le blond voulait relancer la conversation, après tout...

- Hé bien, si je me trouve ici devant vous, c’est parce que vous m’êtes rentré dedans, provoquant ainsi notre rencontre. Mais de manière plus générale, si je suis en ville, c’est pour visiter car un ami m’a conseillé d’y venir...

Il n’allait pas s’étendre sur le sujet des raisons anthropologiques de sa présence, ce n’était pas le plus intéressant à communiquer, surtout à un humain ! Toutefois, cette rencontre lui permettait de discuter avec un humain du coin, et il pourrait peut-être enfin trouver un endroit sympa à étudier et où loger...

- D’ailleurs, vous connaitriez un hôtel sympa, dans un coin plutôt riche en évènements historiques, histoire que mes visites n’aient pas à se faire trop loin de l’hôtel ?

Il sourit gentiment, espérant que le blond accepte de l’aider. Bien entendu, Anthony saurait le remercier pour sa peine.

Anthony sourit légèrement. Visiblement, sa recherche d’hôtel touchait à son but ! C’était vraiment génial ! Il n’y avait vraiment qu’en demandant aux autochtones qu’on avait le plus de renseignements ; du moins quand ils acceptaient de répondre. Et cet humain bond était l’un d’eux. Alors que demander de mieux ? Certes, il ne pouvait pas le conduire à un quartier historique, mais ce n’était pas grave. Le principal était quand même d’avoir une chambre où dormir. Mais ça, l’hybride se retint de le dire à l’humain. Question de tact. Il avait bien deviné que la vie de ce garçon n’était pas toujours confortable.

- Ce n’est pas grave. Je cherche surtout un coin tranquille, avec des endroits à visiter tout près.

C’était simplement une question pratique, pour commencer ses investigations non loin de l’endroit où il allait loger ; mais s’il devait marcher un moment ce ne serait pas grave. Au pire, il pouvait également changer d’hôtel quelques jours plus tard, s’il trouvait un quartier meilleur. Et puis, ce n’était pas comme si les longues distances risquaient de l’épuiser ou de lui prendre trop de temps : il n’avait qu’utiliser ses pouvoirs pour se déplacer rapidement. Il était un hybride, un être surnaturel, autant qu’il en profite !

- Vous voulez bien me conduire à un hôtel ? En échange, je vous invite au restaurant de votre choix, si vous voulez.

Il sourit gentiment à l’humain, ravi d’avoir trouvé quelqu’un qui puisse l’aider, l’encourageant à continuer.

La réponse de l’humain était vraiment intrigante. Pour avoir un coin tranquille, il devait s’en aller. Cette ville était-elle donc si dangereuse, si cruelle ? Toutes les villes portent en elle une part de dangerosité et de cruauté, en abritant des êtres surnaturels et en contraignant certains à ne pas pouvoir avoir de logement, à vivre dans la misère. Mais pour que cette ville soit ainsi décrite, c’est qu’il devait y avoir des choses particulièrement cruelles et dangereuses. Et bizarres. C’est avec ces réflexions qu’Anthony se dit que, si ça se trouvait, c’était tout simplement parce que l’humain avait été témoin de choses qu’il n’avait pas dû voir, qu’il pensait que les étrangetés étaient dues à cette ville. S’il savait ! S’il savait que cette ville n’était pas la seule à être infestée de créatures surnaturelles ! Mais Anthony se garderait bien de lui dire.

Lorsque l’humain lui proposa de le conduire à un hôtel, l’hybride sourit, d’un sourire encourageant, chaleureux et ravi. Mais quand l’humain refusa l’invitation au restaurant, Anthony le regarda étrangement, un peu surpris et déçu. Certes, ils se feraient remarquer, mais quand même. Anthony devait bien ça à son guide, même si ça lui faisait plaisir de rendre service. Quelqu’un de serviable et gentil, ça ne se rencontre pas à tous les coins de rue.

- C’est très gentil à vous ; mais j’aimerais vous remercier pour ce que vous faites...

Il sourit légèrement. Bah, il trouverait bien comment faire pour le remercier ! La solution s’imposerait peut-être d’elle-même à un moment ou à un autre. Le mieux était de ne pas y penser tout de suite et de laisser l’idée venir d’elle-même. Après tout, l’idée du restaurant était venue d’elle-même et, même si elle avait quelques défauts et qu’elle avait été refusée, elle n’était pas si mauvaise.

- Au fait, je m’appelle Anthony, et vous ? J’aimerais savoir à qui j’ai l’honneur de m’adresser.

Il sourit, involontairement un brin charmeur.

Anthony sourit, vraiment ravi d’avoir croisé ce garçon. Grâce à lui, il pourrait aller à l’hôtel où il réserverait une chambre pour quelques nuits et où il pourrait tranquillement poser ses affaires, avant de repartir. Gabriel était quelqu’un de gentil et généreux ; et Anthony avait bien de la chance d’être tombé sur lui (ou plutôt de s’être fait percuté par lui). Il se demandait comment il pourrait le remercier. Même si l’autre ne voulait pas d’un repas au restaurant et ne semblait pas attendre de remerciement, Anthony tenait quand même à le remercier. C’était normal pour lui ; l’autre lui rendait tellement service en acceptant de le conduire à l’hôtel !

L’hybride sourit gentiment en répondant :

- Même si vous n’êtes pas pressé, vous n’êtes pas obligé de m’accompagner comme vous le faites ; et prendre du temps pour me rendre ce service est réellement très gentil.

L’humain s’était déjà mis en route et Anthony lui avait aussitôt emboîté le pas, tranquillement, sereinement. Il aurait été aisé pour Gabriel de le conduire dans un piège, dans une ruelle sombre où l’attendrait des gens malintentionnés... mais Anthony savait se défendre, et de toute façon, il ne craignait aucunement un piège de la part de l’humain. Aussi, cette idée ne lui avait même pas effleuré l’esprit.

- Cela fait longtemps que vous êtes dans cette ville ?

L’hybride avançait donc en direction de l’hôtel, en compagnie de l’humain. Un autochtone, il n’y avait vraiment rien de mieux pour avoir des renseignements ! Et en plus, celui-ci était tellement gentil ! Peut-être pourrait-il encore l’aider... Anthony s’en voulait un peu d’abuser de sa gentillesse, mais ça ne coûtait rien de demander :

- Vous sauriez peut-être me renseigner sur les endroits sympathiques à visiter, des endroits que vous aimez bien..? Si cela ne vous dérange pas, bien entendu.

Il termina par un sourire, se répétant une fois de plus qu’il trouverait bien un moyen de remercier ce garçon. Mais il devrait faire vite pour trouver, car ils arriveraient certainement très vite à cet hôtel.

Anthony écoutait tranquillement l’humain, notant mentalement tout ce qu’il disait, analysant mentalement ses mots et ses réactions. Lorsque Gabriel évoqua les bordels, Anthony sourit légèrement. La rougeur qui avait teinté les joues de l’humain indiquait qu’il fréquentait ce genre d’établissement mais cela ne posait pas de problème à Anthony. Il était quelqu’un d’assez libéré, au fond… Si l’humain fréquentait les bordels, ça le regardait. Et s’il ne voulait pas en parler, Anthony ne relancerait pas la conversation dessus. Du moins pas tout de suite car, plus tard, le sujet serait peut-être intéressant à aborder.

Certes, ce n’était pas comme ça qu’Anthony aurait des véritables informations sur les lieux intéressants de la ville, mais bon. C’était toujours des informations. Les cinémas et autre trucs du genre n’étaient pas, aux yeux de l’hybride, une bonne alternative. Ils présentaient aussi peu d’intérêt que les bordels, par rapport à ce qu’il voulait étudier. Ces établissements de loisirs n’étaient pas des établissements historiques, en général.

- Vous n’avez pas à être désolé, vous m’avez déjà beaucoup aidé en m’indiquant l’hôtel ; et passer du temps en votre compagnie est très agréable.

Ils étaient d’ailleurs arrivés devant l’hôtel. Anthony sourit chaleureusement, vraiment ravi d’être enfin arrivé. Et vraiment ravi d’y être arrivé grâce à Gabriel. Ils avaient eu une conversation tranquille entre deux individus qui venaient de se rencontrer et apprenaient doucement à se connaître et à s’apprivoiser. En plus, Anthony n’avait pas à se prendre la tête pour adapter son langage au style de son interlocuteur ; sans parler avec un langage soutenu, Anthony parlait correctement mais les différences de niveau de langage n’apparaissait pas problématique dans cette situation. Il était un voyageur et il était évident qu’il était un peu plus fortuné que l’humain. Il n’avait pas besoin de se faire passer pour ce qu’il n’était pas.

L’humain était quelqu’un de véritablement charmant et l’hybride était bien content de parler avec lui de la sorte. Anthony ne voulait pas qu’ils se séparent déjà.Et puis, il ne l’avait pas remercié pour l’avoir guidé jusqu’ici.

- Vous voulez que je vous prenne une chambre dans cet hôtel ?

Il avait parlé doucement, calmement. Il avait bien compris que l’humain vivait dans la rue.

L’humain avait refusé la proposition, ce qui au fond se comprenait. Ce devait être une situation tellement difficile pour lui ! Anthony aurait aimé l’aider ; mais pour autant il ne le considérait pas en inférieur. Il avait juste eu un peu plus de chance que lui au départ. Un peu plus d’argent. Et c’était bien la seule différence, hormis le fait qu’il était hybride et l’autre humain. Mais ça non plus, ça n’impliquait pas vraiment de supériorité. Physiquement, si. Evidemment. Mais c’est tout. Est-ce qu’une pomme est supérieure à un kiwi ? Est-ce qu’un mouton est supérieur à un canard ? Non, ils sont différents, mais égaux.

L’humain avait donc refusé la proposition de l’hybride, et Anthony avait assez de tact pour ne pas insister. Il lui sourit gentiment, espérant le revoir. Mais la météo avait décidé de s’emmêler pour changer la donne. Etait-ce réellement le temps ou avait-il été manipulé, ça, c’était dur à dire. Mais en tout cas, l’orage venait d’éclater avec une violence folle. Le tonnerre, les éclairs, le vent, la pluie… Cela donnait un air d’apocalypse à cette petite ville.

Anthony ne pouvait pas laisser Gabriel dehors par un temps comme celui-ci ! Il n’aurait même pas laissé son ennemi dehors dans de telles conditions – quoique, ça dépendait… – alors il n’allait pas y laisser quelqu’un qu’il appréciait vraiment.

- Gabriel, venez, permettez-moi d’insister…

Doucement, il l’entraîna à l’intérieur. Au moins, là, ils seraient à l’abri. Ils ne seraient pas trempés comme deux chiens perdus. Une fois dans cet environnement sec, il regarda son jeune guide calmement.

- Et si cela vous gêne que je vous offre « une chambre pour vous », nous n’avons qu’à partager la mienne, puisque je vais en prendre une de toute façon. Qu’en pensez-vous ?

L’hybride avait un léger sourire aux lèvres.

Anthony regarda gentiment l’humain. Il s’en doutait qu’en temps normal il n’aurait pas accepté. Après tout, il avait refusé une chambre peu de temps auparavant, et partager la chambre d’un inconnu était tout de même plus gênant que d’en accepter une pour soi. Il se doutait aussi que, dans une situation comme la situation présente, l’humain accepterait la proposition. C’est pour ça qu’il avait insisté, d’ailleurs. Le pauvre grelottait déjà de froid, alors passer toute la nuit dehors, c’était tout simplement inconcevable.

Anthony sourit gentiment et se décida enfin à aller réserver une chambre. Il se dirigea calmement vers le guichet et demanda :

- Bonjour, je voudrais une chambre pour la nuit, pour deux personnes en lits séparés. Je resterais ensuite sans doute quelques jours de plus.

L’homme au comptoir semblait épuisé et se contenta de hocher la tête en étouffant un bâillement. Anthony se douta qu’une partie de ses paroles étaient ressortie aussi vite qu’elle était entrée dans le petit cerveau fatigué de l’homme ; mais il ne savait pas à quel point ses propos avaient été oubliés. L’employé de l’hôtel regarda machinalement quelles chambres il lui restait. Il n’en avait pas tant que ça de libres, des chambres pour deux personnes… D’ailleurs, ce fut assez rapide pour attribuer une chambre aux deux clients.

« La chambre 4 » dit l’homme en donnant une clé à Anthony.

Comment serait-elle, cette chambre ? Même si tout n’était pas parfait, l’hybride espérait surtout qu’elle soit assez chaude et douillette, pour y être à l’aise et pas avoir à garder des pulls ; et surtout pour que l’humain se réchauffe un peu. Ce ne serait pas long avant de voir dans quel environnement les deux jeunes gens allaient dormir. Anthony s’occupa rapidement des formalités pour la chambre et se dirigea vers la chambre en question. La clé tourna dans la serrure et la porte s’ouvrit, dévoila la chambre. Une chambre pour deux personnes, comme demandé. Mais ça s’arrêtait là. Il y avait un lit double et non deux lits séparés. Tant pis. L’hybride avait autre chose à faire que de retourner à l’accueil pour changer de chambre. Ils se débrouilleraient avec celle-là. Anthony fit signe à l’humain d’entrer et entra sans la moindre gêne. Puis il referma la porte derrière eux.

- Vous devriez passer à la salle de bain. Une bonne douche bien chaude vous fera du bien et vous réchauffera. Et comme vos affaires sont trempées, vous les laisserez sécher dans la salle de bain toute la nuit, pour qu’elles soient sèches demain. Je vous passerai de quoi dormir.

Et, joignant le geste à la parole, il posa son sac et en sortit deux pyjamas. Il en tendit un à l’humain et posa l’autre sur le lit.

Le garçon sourit à la proposition de l’hybride. Visiblement, il n’était pas gêné par cette promiscuité qui allait être la leur et par leur situation ; et c’était tant mieux ! Anthony sourit à son tour quand Gabriel lui dit d’arrêter de le vouvoyer. Un gamin, disait-il… s’il savait ! S’il savait vraiment la différence d’âge qu’ils devaient avoir, tous les deux. Parce que certes, Anthony paraissait un peu plus vieux que lui, mais en réalité il était beaucoup plus vieux que ça. Mais malgré ça, Anthony ne le considérait pas vraiment comme un gamin. Gabriel était peut-être jeune et avait certainement une moins bonne éducation que lui, mais il avait l’air de quelqu’un de responsable et de mûr. Pas d’un gamin.

- D’accord, Gabriel. Mais toi aussi, tu peux me tutoyer…

Il regarda le jeune humain aller vers la salle de bain, un léger sourire aux lèvres. Ca lui ferait certainement du bien de prendre une bonne douche chaude. Surtout par ce temps de chien ! Finalement, cet orage ne tombait pas si mal… juste quand ils étaient devant l’hôtel, lui donnant une bonne raison d’accepter la chambre… Certes, ce n’était pas drôle pour ceux qui étaient dehors, mais c’était peut-être la bonne étoile de l’humain qui avait déclenché cet orage. Du moins si on croyait à cela. Mais Anthony n’y croyait pas… même s’il devait bien avouer que ce hasard était bizarre.

Quoi qu’il en soit, l’humain profitait de la salle de bain. Anthony aurait pu aller l’espionner, certainement, mais il ne le fit pas. Il n’était pas un pervers voyeur, juste un hybride calculateur et gentiment escroc. Des facettes de sa personnalité qu’il se gardait bien de dévoiler. Sinon, il n’aurait pas été calculateur, logique. Mais bon, là, Anthony n’avait aucun intérêt à monter un plan tordu pour appâter l’humain. Il l’avait invité juste pour lui rendre service. Parce que s’il avait un côté escroc, il était parallèlement quelqu’un de loyal et de gentil. Quelqu’un de responsable. Quelqu’un qui se donnait la peine de remercier les gens qui lui rendaient service. Quelqu’un qui payait ses dettes. Quelqu’un de bien, pour ainsi dire.

Il ne le regarda donc pas sous la douche. Et il profita de ces minutes pour préparer la chambre correctement. Il déballa quelques affaires, rangea quelques trucs, déplaça une petite table qui l’agaçait… Bref, il s’appropria la chambre d’hôtel qu’il allait louer pour les jours – et surtout les nuits, en fait – à venir. Il défit également un peu le lit, pour aérer un peu les draps car c’était toujours plus confortable que de se glisser entre deux draps tendus et glacés.

Puis il s’installa sur bord du lit avec un bouquin. Un simple roman ordinaire, bien écrit, simple à lire. Une histoire agréable des temps jadis, une réédition évidemment, d’un bouquin qui avait bien marché en son temps. L’histoire parlait de magie. C’était amusant, c’était gentil, c’était en même temps épique. Pas crédible pour deux sous, mais ce n’était pas important. C’était un gentil petit roman d’aventure. Et ça suffisait bien, pour ce qu’Anthony voulait en faire. C’était juste un petit livre de poche qu’on lui avait donné, alors il comptait le lire et le donner à quelqu’un d’autre. S’il pouvait ainsi servir à plein de monde, ce livre, ce serait bien !

L’humain sortit finalement de la salle de bain et l’hybride posa le livre sur le bord du lit. C’était à lui d’y aller, alors il allait y aller. Calmement, il prit ses affaires et alla dont dans la salle de bain. Une bonne douche chaude faisait du bien ! Il termina de se préparer assez rapidement, faisant tout ce qu’il avait à faire dans la pièce d’eau, et retourna dans la chambre. Il réapparut ainsi dans un pyjama sobre et confortable, sur le mode pantalon-chemise. Les boutons du haut n’étaient pas attachés ; et aux pieds, il avait des simples savates pratiques et confortables.

- Voila une bonne chose de faite !

Restait à savoir ce qu’ils allaient faire ensuite.

L’hybride sortit donc de la salle de bain après avoir pris une agréable douche. C’était une bonne chose de faite comme il avait dit. Et ca faisait du bien, surtout par ce temps. Il se sentait à présent totalement détendu et il avait tout pour insister sur le climat de confort malgré l’orage qui faisait rage dehors : il était tout propre dans un pyjama propre confortable pas complètement boutonné pour être à l’aise, avec des savates moelleuses aux pieds, dans une chambre d’hôtel tranquille et douillette, chauffée juste comme il fallait et au lit apparemment confortable.

Il s’approcha du lit où l’humain se trouvait. Ce dernier semblait passionné par la lecture du livre qu’Anthony avait laissé sur le lit quelques instants plus tôt, pour ne pas l’emmener dans la salle de bain. Il sourit légèrement. Le blondinet était quelqu’un qui aimait lire ? C’était bien. Et ça leur faisait un point commun. Sans bruit pour ne pas perturber son invité dans sa lecture, il retourna dans la salle de bain et ramena sa veste pour vider une partie de son contenu dans son sac à dos. Aussi, il se dirigea sans bruit vers son sac qui trônait toujours là où il l’avait laissé et déposa dedans quelques objets. Certaines de ses affaires, qu’il avait dans ses poches, ne lui serviraient pas, donc ça ne servait pas à grand-chose qu’il les garde dans ses poches. Il accrocha ensuite sa veste dans la penderie. Le reste des habits qu’il avait mis durant la journée avait déjà gagné le panier à linge sale mis à sa disposition dans la petite salle de bain. Bien entendu, il en avait auparavant vidé les poches, pour ne pas envoyer son argent au lavage par exemple !

Une fois qu’il eut terminé cela, il se dirigea vers le lit où l’humain lisait et s’assit à côté de lui.

- Je te le donnerai, si tu veux.

Il sourit légèrement. Après tout, quitte à donner cet ouvrage à quelqu’un, autant le donner à ce jeune homme sympathique. La lecture lui ferait sans doute oublier quelques instants la cruauté du monde dans lequel il vivait, la douleur et la peine qui devaient être siennes… Sa vie devait être bien difficile, alors un peu d’évasion de temps en temps, c’était déjà ça. Surtout qu’avec lui, ça avait l’air de marcher. Il semblait vraiment captivé par sa lecture…